mardi 24 décembre 2013

Un mariage en 3 temps


Il est rarissime que nos ancêtres aient laissé des témoignages de leur vie. Ainsi, la façon dont ils se sont rencontrés et la raison pour laquelle ils se sont mariés reste souvent mystérieuse. Evidemment, dans la plupart des cas, les mariages étaient surtout des contrats passés entre familles et les mariés subissaient souvent leur conjoint plus qu’ils ne l’aimaient (au sens actuel de la façon dont nous sommes capables d’aimer notre conjoint).

Ainsi, lorsque Sébastien Lesueur et Marie Anne Loyauté se sont mariés le 25 octobre 1746, il semblait que ce mariage allait être comme les autres, à savoir une union entre deux personnes du même milieu, ne se connaissant pas plus que ça.


Eglise de Béthisy Saint Pierre - source Wikipedia

Or, l’étude poussée des registres paroissiaux de Béthisy Saint Pierre dans l’Oise m’ont permis d’apporter un éclairage très intéressant sur ce mariage.

Acte I – le Compérage

Le compérage est ce qui définit le lien unissant un enfant à ses parrain et marraine. J’ai remarqué que dans certaines régions comme la Picardie, le parrain et la marraine d’un enfant avait souvent un lien entre eux. Ils pouvaient par exemple être mari et femme.

En l’occurrence, le 14 juillet 1746, la petite Madeleine Esmery est baptisée en l’église de Béthisy Saint Pierre. Ses parents sont Etienne Esmery, marchand chanvrier et Marie Magdeleine Lesueur. Le parrain est un certain Sébastien Lesueur de la paroisse voisine de Béthisy Saint Martin et la marraine une certaine Marie Anne Loyauté.
La première remarque est que les parrain et marraine savent parfaitement bien écrire, surtout la marraine, ce qui est remarquable pour l’époque et dénote l’appartenance à un groupe social élevé.

Signature de Sébastien Lesueur et de Marie Anne Loyauté


Ensuite, il existe un lien familial entre les parents de la baptisée et les parrain et marraine. Je n’ai pas encore pu retracer tous ces liens, mais la mère de l’enfant porte le même nom de famille que le parrain et les familles Esmery et Loyauté sont alliées par plusieurs mariages.
On en déduit donc que le compère et la commère n’ont pas été choisis au hasard, mais proviennent bien de la famille proche.

La question qu’on peut se poser concerne alors la relation qui existe entre Sébastien Lesueur et Marie Anne Loyauté. En effet, au moment du baptême, Sébastien Lesueur est âgé de 23 ans et est issu d’une famille aisée de marchands filassiers, tandis que Marie Anne Loyauté est âgée de presque 19 ans et est issue d’une famille de marchands chanvriers et son père occupe également la fonction de Garde de la forêt de Compiègne.

On a donc affaire à des jeunes adultes de même milieu et dont les familles se connaissent depuis longtemps, ce qui conduit logiquement à leur union …

Acte II – L’annonce du mariage

Quelques jours avant le mariage, le curé de Béthisy Saint Pierre d’où est issue la future écrit que le mariage ne peut avoir lieu comme prévu dans l’église de Saint Pierre pour cause de fête de Saint Crespin.

Je n’ai pas retrouvé le détail de ces festivités, mais si j’en crois ce qui se passe de nos jours, on imagine aisément que l’église et tous les membres du clergé local devaient être très sollicités et ne pouvaient donc procéder au mariage de nos deux fiancés.

Il est toutefois étonnant que le curé prenne la peine de justifier cet événement, sans doute parce que les familles concernées étaient respectables et qu’il se sentait obligé de justifier un mariage d’une de ses paroissiennes dans une autre église que la sienne. Ce qui est plutôt agréable en revanche, est le fait qu’il indique que le mariage aura lieu dans la paroisse voisine de Saintines. Il donne d’ailleurs sa bénédiction pour cette union.

Il ne faut pas perdre de vue que nos ancêtres ne se déplaçaient pas aussi facilement que nous et que devoir déplacer toute la famille pour un mariage était sans doute vécu comme une contrainte. Il devait donc y avoir une nécessité impérieuse de faire le mariage à cette date.
On peut cependant éliminer le mariage en vue de régulariser une grossesse pré-maritale car le premier enfant du couple ne naîtra que le 19 novembre 1747, soit plus d’un an après le mariage.

Acte III – Le mariage à Saintines

Le mariage proprement dit a eu lieu à Saintines le 25 octobre 1746 et l’acte complète utilement l’annonce de la veille faite par le curé de Saint Pierre de Béthisy.

En effet, le premier document nous donne :


L’an 1746 le mardi 25 octobre jour de St Crespin, après avoir publié à trois dimanches le premier, le second, le troisième et dernier ban de mariage
Entre Sébastien Lesueur, fils de feu Hubert Lesueur, vivant marchand filassier et de Marie Bergeron son épouse, ses père et mère de la paroisse de St Martin de Béthisy d’une part
Et Marie Anne Loyauté, fille de feu Nicolas Sébastien Loyauté, vivant marchand chanvrier et garde de bois de la forêt de Compiègne et de Catherine Cadot son épouse, ses père et mère, de cette paroisse d’autre part
Sans qu’il y ait eu aucun empêchement civil ou canonique, j’ai curé dudit Béthisy donné aux parties mon consentement de recevoir la bénédiction nuptiale dans l’église de la paroisse de St Jean Saintines, diocèse de Senlis, attendu que la fête de St Crespin que nous célébrions audit jour et leur ai délégué pour faire les cérémonies de leur mariage, monsieur Louis Dantard, curé de la paroisse dudit Saintines, lequel suivant mon certificat et permission écrit sur papier timbré en date du lundi vingt quatre dudit octobre, a reçu d’eux la promesse et consentement de mariage et fait les cérémonies accoutumées et célébré ledit mariage dans l’église dudit Saintines en présence des parents et amis des deux parties, le tout conformément aux ordonnances et suivant l’extrait des registres dudit Saintines qui m’a été remis en mains par les parties en date dudit jour vingt cinq octobre, signé et paraphé par ledit Sr Dantard, curé dudit Saintines, en foi de quoi j’ai signé ce 30 octobre 1746.


Et le second :

Le 25 octobre 1746, après les fiançailles faites en la paroisse de St Pierre de Béthisy, selon l’usage du diocèse de Soissons, et la publication des bans faite tant en ladite paroisse de St Pierre qu’en celle de St Martin de Béthisy, furent solennellement mariés en cette paroisse avec le consentement et la permission de Mr le curé dudit St Pierre dudit Béthisy,

Sébastien Lesueur, fils de Hubert Lesueur et de Marie Bergeron, ses père et mère de ladite paroisse de St Martin de Béthisy d’une part

Et Marie Louise Loyauté, fille de feu Nicolas Sébastien Loyauté et de Catherine Cadot, ses père et mère, de ladite paroisse de St Pierre de Béthisy, de l’autre part,

Assistaient à la cérémonie de leur mariage Sébastien Lefebure, parrain du marié, Hubert Lesueur, frère dudit marié, Nicolas Loyauté, frère de la mariée, Jean Esmery, beau-frère de ladite mariée qui ont signé avec nous curé soussigné et autres.


Ainsi le premier texte nous donne des informations précieuses sur la profession des parents des mariés et nous indique en passant que les pères sont tous les deux décédés. En revanche, le second texte est beaucoup plus complet en ce qui concerne les témoins et les présents au mariage.
Les deux textes donnent donc une vision assez complète sur les familles des mariés.

Pour conclure, je dirais que le fait que des jeunes adultes qui vont se marier 3 mois après apparaissent en « couple » lors d’un baptême démontre, si cela était nécessaire, que les mariages étaient rarement le fruit du hasard et que les futurs se connaissaient souvent depuis leur plus tendre enfance.

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Pour aller plus loin :


           

mardi 17 décembre 2013

Drame de l’an III à Russy


Nous sommes le 12 juillet 1795 à Russy, petite commune de l’Oise située à l’Est de Crépy-en-Valois, sur la route de Villers-Cotterêts. Dans 2 jours, le 26 messidor, le député Debry fera adopter le « chant de guerre pour l’armée du Rhin » comme hymne national. Mais pour l’heure,  nous sommes loin des remous de la vie parisienne, en pleine campagne picarde.

Il fait très chaud cet après-midi et le citoyen Antoine Moquet, un cultivateur aisé passe ses consignes à son domestique Martin Ydelot. Ce rude gaillard de 42 ans est employé dans la ferme du citoyen Moquet comme domestique depuis plus de 20 ans et c’est d’ailleurs là qu’il a rencontré Jeanne Rémy qui est devenue sa femme il y a également une vingtaine d'années.

Pour eux, la Révolution Française n’a rien changé. Même la proximité de Paris n’a pas eu d’effet marquant sur leur vie de tous les jours. Certes, on ne parle plus de maître, car tout le monde est devenu citoyen, mais dans les faits il y a ceux qui possèdent la terre et ceux qui la travaillent !



Mais revenons à cette journée du 24 messidor. Les moissons sont terminées pour la plupart et la chaleur accablante a fatigué les hommes qui y ont participé. Martin a toujours eu la réputation d’un homme solide et malgré sa petite taille (il ne mesure en effet que 1m66), il est dur à la tâche et ne rechigne jamais devant l’effort. C’est un homme apprécié de tous et qui bien que non natif de Russy, a su y trouver sa place.

A la fin de l’après-midi vers les 6 heures et demie, il fait donc le point avec son maître Antoine Moquet pour les travaux à venir et peu de temps après, il va rejoindre son logement pour se désaltérer et se changer.

Quelques instants après il ressort vêtu d’un pantalon de toile blanche et d’une veste rouge tirant sur le brun. Il a rapidement peigné ses cheveux châtains et vérifie qu’il a bien l’argent prévu pour aller fêter avec ses camarades la fin des moissons des prés du citoyen Moquet.
Il est temps de partir, mais sa femme le retient un instant pour lui demander de lui ramener un peu d’eau pour qu’elle puisse préparer le repas du soir. Bien que bougonnant car le travail intense sous ce soleil de plomb lui a fait mal à la tête et parce qu’il préfèrerait s’en aller directement au cabaret du bourg plutôt que de ressortir, il accepte de faire les quelques allers et retours entre sa masure et le puits. Car, comme le dit le dicton : ce que femme veut …

Le voilà donc en route vers le puits situé dans la cour de la ferme.

Il s’approche, jette le seau qui rebondit quelques secondes plus tard sur la surface de l’eau. Mais sans doute son geste a-t-il été maladroit, car le seau ne se retourne pas et flotte paisiblement sur la surface plane. Agacé, il se penche en avant et entreprend de remuer la corde pour faire basculer le seau. A ce moment, sa femme l’appelle car elle se demande pourquoi il passe tant de temps. Il se retourne brusquement pour lui répondre et sa tête heurte violemment la manivelle de la poulie.
Etourdi par le choc, le corps en déséquilibre car il était penché au-dessus du puits, il bascule en un instant et après une chute que 3 ou 4 secondes, sa tête heurte violemment le rebord du seau et lui fait une plaie profonde sur le crâne allant de l’oreille jusqu’au sommet du crâne.
Il ne faut ensuite que quelques secondes de plus pour que son corps évanoui termine sa course au fond du puits et heurte le sol en pierre.
Le corps recroquevillé et désormais sans vie de Martin baigne dans 60 à 70 centimètres d’eau et malgré les secours qui arrivent immédiatement il est trop tard. Sa femme Jeanne est sans voix et a quand même le réflexe de masquer les yeux de leur plus jeune fille qui est sorti en entendant les cris de sa mère.

Le cadavre est transporté dans la bergerie attenante au corps de ferme et aussitôt les autorités sont prévenues.

Il n’y a aucun doute sur le caractère accidentel du décès et c’est d’ailleurs ce que va constater le juge de paix accompagné du maréchal de Russy, le citoyen Legoux et du citoyen Crété. D’ailleurs ce dernier est assez choqué de voir le corps sans vie de son camarade avec lequel il discutait encore la veille …
Comme il se doit, le juge fait appel à deux chirurgiens de Crépy pour déterminer les causes de la mort et ces deux hommes de l’art confirment que c’est bien le choc de la tête avec le rebord du seau qui a causé la mort.

Nicolas Martin, le fils de notre Martin, qui est désormais le chef de famille vient constater que le cadavre exposé est bien celui de son père et demande alors à récupérer son corps pour pouvoir procéder à son enterrement.
L’enquête est rapidement close et les 41 livres en différents assignats qui se trouvaient dans le portefeuille du décédé sont remis à la désormais veuve Ydelot, la citoyenne Jeanne Rémy.

En fin de journée, exactement 24 heures après ce drame, le maire de la commune prend sa plume et consigne l’acte de décès du citoyen Ydelot, décédé de mort violente. Ce sera le troisième acte de l’année car il faut dire la commune n’abrite qu’une demi-douzaine de familles. Tout le monde se connaît et tout le monde a été marqué par la mort de Martin.

Des années après, les mères interdiront à leurs enfants de s’approcher du puits de la ferme du Moquet car le souvenir de cet accident est resté très vif dans cette population rurale. Puis le temps a fait son travail et cette histoire a disparu des mémoires. Seules quelques lignes posées sur un registre permettent aujourd’hui de connaître le destin tragique du citoyen Ydelot, mort un soir de juillet 95 …


Les faits sur lesquels j’ai basé ce récit sont parfaitement réels et vérifiables sur les archives en ligne du département de l’Oise, à la commune de Russy-Bémont, côte microfilm 5MI2306R1, actes de 1780 à l’an V, vues 48 et 49.
Pour les besoins de la cause et afin de donner un peu de corps à ce fait divers, j’ai imaginé quelques éléments qui, sans être vérifiables, restent vraisemblables …


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Pour aller plus loin : 


           

mardi 10 décembre 2013

(Quelques) qualités à avoir pour faire de la généalogie


Peut-être est-ce d’avoir fait le bilan de cette année écoulée la semaine dernière qui m’a conduit à me poser cette question ? Ou peut-être est-ce la récente plongée dans les archives départementales de l’Ardèche, à la recherche d’une branche de ma famille sur laquelle je bloquais mais qui a vu un bourgeon naître des échanges que j’ai eus avec une cousine ?

Toujours est-il que ce week-end je me suis posé la question de savoir s’il fallait avoir des qualités particulières pour faire de la généalogie. Je suis conscient que le seul fait de poser la question va engendrer quelques réponses qui ne feront évidement pas l’unanimité, chacun pensant détenir sa part de vérité.



Mais j’ai décidé malgré tout de me lancer dans cet exercice périlleux !

1/ L’opiniâtreté

A vrai dire je ne sais pas si c’est réellement une qualité car pour moi, une personne opiniâtre est une personne tellement sûre de ses opinions, qu’elle refuse souvent tout avis contraire. Présenté ainsi, c’est plutôt à l’encontre de ce qu’on attend d’un généalogiste, à savoir accepter des informations provenant d’autrui, cela dût-il remettre en cause ses trouvailles.

J’y vois plutôt ici le côté positif de la chose, à savoir une volonté absolue de trouver des informations. On pourrait parler de persévérance ou d’obstination, mais je préfère l’opiniâtreté en ce sens où même si des voix mal intentionnées disent d’arrêter car on ne trouvera rien de plus, on continue, persuadé que nous sommes d’y arriver …

2/ La curiosité

Petits on nous enseignait que la curiosité était un vilain défaut. Puis, en grandissant, nous avons découvert que cela pouvait être une réelle qualité ! Alors, allons-y !

Il faut être curieux pour savoir qui était le père de son ancêtre. Il faut être curieux pour savoir pourquoi cette famille a déménagé 4 fois en 10 ans. Il faut être curieux pour savoir pourquoi sur deux actes différents, votre ancêtre est affublé de deux couples de parents différents …

La liste est longue, mais une chose est sûre, c’est la curiosité qui nous fait avancer.

3/ Le doute

Le généalogiste ne croit pas a priori à ce qu’il entend ou à ce qu’il lit. La locution « a priori » est importante car elle présuppose une validation de l’affirmation par l’expérience (merci Kant). Or, ce n’est qu’en recoupant, qu’en vérifiant ses sources, qu’en les confrontant à des témoignages émanant de sources diverses qu’on peut avoir une idée de la vérité.

Personnellement, lorsque  je cherche un acte de naissance d’un ancêtre qui s’appelle Jean et qui, selon son extrait de décès et de mariage a dû naître vers 1810 et que ses parents ne sont pas cités, si je trouve un Jean né le 14 septembre 1810, je ne me contente pas de cette affirmation pour inscrire dans le marbre de mon arbre cette information. Je veux d’abord la vérifier et la recouper.

4/ L’empathie

Ce caractère qui consiste à ressentir des émotions à la lecture des destins tantôt heureux, tantôt tragiques de ses ancêtres (ou d’autres) est selon moi une qualité essentielle qui va distinguer le généalogiste du chercheur en histoire familiale lambda.

Nous avons en nous quelques traces de ces femmes et ces hommes qui ont vécu des choses que nous ne supporterions plus aujourd’hui, tant nos vies sont confortables. Sans tomber dans l’identification totale (qui peut être dangereuse …), nous pouvons quand même ressentir de la douleur lorsque qu’un enfant du couple décède, ou de la joie lorsqu’un enfant naît.

5/L’intuition

Même si nous devons nous fier uniquement aux faits car seuls ceux-ci sont vérifiables, nous pouvons et devons laisser notre intuition nous guider lorsque nous sommes un peu perdus. Ainsi, rechercher la naissance d’un premier enfant d’un couple dans une paroisse un peu à l’écart de celle où ils se sont mariés ou de celle où leurs autres enfants sont nés peut avoir un sens si l’aîné est né après 3 mois de mariage … Le couple a voulu rester discret sur cette conception pré-maritale …

Et puis l’intuition peut nous permettre d’établir quelques liens entre des personnes alors que rien ne le permet. Cela peut guider ses recherches, et parfois des découvertes en découlent.

6/ Le sens du partage

Je termine par cette qualité qui est fondamentale pour moi. A quoi serviraient en effet des recherches qui ne seraient pas partagées. Certes, tout le monde n’est pas intéressé dans la famille par vos découvertes, mais lorsque vous présentez ses résultats, rares sont ceux qui quittent la salle, surtout si vous agrémentez vos découvertes de petites anecdotes !

Et puis, partager ses découvertes, ses doutes et ses intuitions avec d’autres (et Dieu sait si internet a permis de multiplier ces « autres ») est souvent la source de trouvailles plus fabuleuses encore. Personnellement, c’est grâce à des partages sur mes doutes que j’ai pu débloquer mes recherches à 2 reprises …


Voilà donc quelques qualités qu’un généalogiste doit avoir pour réussir dans sa quête (infinie). Je ne doute pas que vous les ayez toutes sinon, vous ne feriez pas de la généalogie ;-) Se pose d’ailleurs le problème de savoir si ce sont ces qualités qui font le généalogiste ou si c’est la généalogie qui forme ces qualités !

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Pour aller plus loin :

           

mardi 3 décembre 2013

Un bilan 2013 ...


Sophie de la Gazette des Ancêtres nous a mis au défi ce mois-ci de faire le bilan de cette année qui s’achèvera dans 4 semaines. Personnellement je pense que c’est une très bonne idée car le bilan est, pour moi, un moyen de mesurer le chemin parcouru et surtout de mettre des balises pour le chemin qui reste.

En ce qui me concerne, le bilan de cette année est assez curieux car, si je replonge dans mes archives et que je regarde ce que je m’étais fixé comme objectif pour cette année, je constate que pratiquement rien de ce que j’avais prévu ne s’est passé, mais que cela a été comblé par une foule de choses passionnantes.



1/ Commençons par quelques chiffres

En 2013 j’aurai publié 73 articles dont 26 pour le challenge AZ ! Ces articles ont reçu 12 333 visites et 193 commentaires. Je pourrais ensuite aller plus loin en considérant que je suis souvent bavard et que mes articles font généralement plus de 800 mots chacun. Cela signifie qu’en 2013 j’aurai écrit près de 60 000 mots sur ce sujet qui me passionne depuis des années …

Mais les chiffres sont une chose et les faits en sont d’autres …

2/ Objectifs 2013 …

Quand je me replonge dans mes archives, je constate que je m’étais fixé plusieurs objectifs pour l’année 2013 dont :

  • Continuer à animer le blog … Les quelques chiffres que j’ai donnés plus haut montrent que cet objectif a été tenu et que j’ai pu maintenir le rythme d’un article par semaine, même si parfois mon activité professionnelle était très prenante
  • Trouver des informations sur la branche maternelle du grand-père maternel de mes enfants qui se situe dans l’Aude … L’ouverture des AD en ligne il y a quelques mois m’a permis de retrouver très rapidement quelques informations, mais j’avoue être assez déçu par le matériel disponible … Il me semble que les AD de l’Aude ont fourni le service minimum.
  • Recenser les enfants abandonnés de l’Hospice des Pauvres de Beauvais … Je n’ai pas progressé d’un pouce sur ce sujet qui me tient pourtant à cœur … Il faut vraiment que je m’y colle dans les semaines à venir !
  • Etudier les recensements de population pour chaque ancêtre ayant vécu au XIXème pour mieux connaître leurs vies … A part pour quelques uns, ce travail n’a pas été fait, sans doute parce que très chronophage et que le temps m’a quand même pas mal manqué !


Quand on fait la synthèse, on constate donc que le bilan est plutôt … mitigé. Mais à côté, j’ai fait tellement d’autres choses que cela compense.

3/Réalité 2013 …

Dans le désordre …

J’ai passé beaucoup de temps sur le Challenge AZ de Sophie Boudarel ce qui n’était absolument pas prévu et qui m’a vraiment fait un grand plaisir.

Ensuite, j’ai découvert la branche de mon grand-père maternel grâce au déménagement de ma grand-mère et à la récupération de tout un tas de documents anciens. Ce n’était évidemment pas prévu et j’ai passé des dizaines d’heures sur ce sujet (qui est loin d’être clos). J’ai découvert d’autres AD et d’autres fonctions de mes ancêtres que j’ignorais jusque là (procureur fiscal, sergent, etc.).

Et puis l’approche du centenaire de la Première Guerre Mondiale m’a permis de me plonger dans cette époque et de faire ressortir des tiroirs des documents et des informations que je n’avais pas nécessairement pensé à publier car pour moi, ces années-là étaient trop « récentes » pour être intéressantes !

Enfin, j’ai été interviewé par Sophie dans le cadre de son « enquête » sur les généablogueurs ce qui m’a permis de prendre conscience de manière très concrète qu’il existait une vraie communauté de passionnés.

4/ Alors ? Quel bilan ?

Si je devais résumer cette année en deux faits, je dirais qu’il est souvent vain de faire des plans sur la comète en généalogie car on a vite fait de se retrouver transporté à l’autre bout de la France dans un siècle auquel on ne s’attendait pas, tout ça parce qu’une rencontre, une question ou un acte nous font quitter notre « plan de route » prévu.

Ensuite, et c’est ce dont je suis certainement le plus fier, j’ai pu redonner vie à quelques uns de mes ancêtres et à inscrire sur cette toile qui gardera sans doute leur trace quelques décennies, leur destinée, leurs bonheurs et malheurs. C’est pour moi la meilleure façon de les remercier car sans eux je ne serai pas là aujourd’hui …


Et vous, quel bilan tirez-vous de cette année 2013 ?



Pour aller plus loin :
           

mardi 26 novembre 2013

Un curé bien bavard


Il existe parfois de curés très bavards qui n’hésitent pas à ponctuer leurs registres d’anecdotes relatives à la vie de leur paroisse. Ces petites histoires, soit traitées à part, soit intégrées dans les actes sont une source d’informations pour le généalogiste car on y trouve de quoi pimenter ses récits familiaux.

Mais ce sont aussi des instantanés de la vie de nos ancêtres qui nous montrent qu’en fait ils n’étaient pas si différents de nous.

Inondation à Grenoble - source Wikipedia


Au gré de mes recherches dans la Sarthe, je suis tombé sur les registres de la paroisse de René, petite bourgade située à mi-chemin entre le Mans et Alençon. Au tout début du XVIIIème siècle la paroisse avait pour curé un certain Négrier. Ce curé donnait de temps en temps des informations étonnantes et grâce au blog Vie d’Autrefois, j’ai pu découvrir, puis vérifier (on ne se refait pas …) quelques anecdotes qui ont émaillées la vie de cette paroisse paisible. En voici un florilège :

Note en fin de registre de l’année 1701

BMS René 1700-1722 – Cote 1MI 983 R1 – Vue 23


Le 2 février fête de la Purification de la Sainte Vierge en l’an 1701, il fit un si grand orage de vents le matin environ huit heures jusqu’après midi, que les vents emportèrent par leurs violences un nombre infini d’arbres hors de leurs places, en déracinant un plus grand nombre et renversèrent plusieurs bâtiments et firent un désordre très grand


Acte de sépulture de Pierre Goupil, le 20 juillet 1707

BMS René 1700-1722 – Cote 1MI 983 R1 – Vue 93


Aujourd’hui vingtième jour de juillet 1707 a été inhumé dans le cimetière de cette église par nous curé soussigné le corps de Pierre Goupil, lequel décéda le mardi, jour précédent, par l’extrême chaleur qu’il souffrit étant à couper du blé dans la plaine et tomba mort sans avoir senti auparavant aucune atteinte de maladie, et ce jour-là, la chaleur fut si grande qu’il mourut plusieurs personnes en différents endroits et qu’un très grand nombre se trouvèrent si mal qu’ils furent obligés d’abandonner leur travail.



Note en fin de registre de l’année 1711

BMS René 1700-1722 – Cote 1MI 983 R1 – Vue 159


Relation du débordement des eaux dans ce canton dans l’année 1711

Au mois de février 1711, les neiges étant hautes d’environ un pied sur la boue, il survint un dégel qui les fit fondre tout à coup, ce qui fit croître les eaux le 17 février, jour du Mardi Gras si hautes que de mémoire d’homme on ne les avait point vu pareilles.
Les grandes rivières firent des désordres infinis, entraînant presque tous les moulins et brisèrent tout ce qui se trouva dans leur passage et dans leurs débordements firent des ravages dont on n’avait point encore vu d’exemple.
Dans ce pays ici, l’étang de Griefaussé creva la chaussée entre le moulin et la grange du Meunier qu’il entraîna pleine de blés. La brèche était large et profonde et quand les eaux furent entièrement retirées on remarqua qu’il y a avait dans l’étang deux mines de tourbe qui est une boue grasse fait commerce en Hollande, dont les pauvres gens font du feu. J’en apportai pour faire l’expérience et quoi qu’elle ne fût pas encore sèche, je remarquai qu’elle ne laissait pas de brûler, de se couvrir de cendres et de conserver quelques temps le feu, et même d’avoir bonne odeur.
Quand l’été fut venu et que les grosses mottes que le courant de l’eau avait arrachées et entraînées bien loin au-dessous du moulin furent sèches par l’ardeur du soleil, le meunier s’avisa d’en prendre pour brûler, et l’ayant interrogé là-dessus, il me répondit qu’elle brûlait bien et faisait de bon feu, qu’il s’en était toujours servi depuis, et s’en trouvait bien.
Il est très certain que les marais des mers et de Bray en sont tous pleins et si les pauvres gens avaient l’industrie de s’en servir, elle leur serait d’un grand secours dans ce pays est si rare et si cher.
Dans le bourg de René, la Petite Rivière d’Ortois se déborda aussi de manière qu’elle alla flotter jusqu’aux murailles du cimetière, où elle monta de la hauteur d’un pied.

Relation du tremblement de terre arrivé le 6 octobre 1711

Le mardi sixième octobre mil sept cent onze sur les huit heures du soir, le temps étant assez clame, l’on sentit tout d’un coup un tremblement de terre qui dura environ trois minutes avec un fort grand bruit dans l’air, ce qui étant fini la boue recommença un demi quart d’heure après à trembler, mais d’un mouvement plus fort et qui dura un peu plus longtemps que la première fois, même le bruit que l’on entendit dans l’air pendant cette seconde secousse fut beaucoup plus grand.
Cet accident ne produisit point d’autre effet que d’avoir fait grand peur, et se fit sentir presque dans toute la province du Maine.



La première remarque est qu’on a affaire à un curé lettré qui outre qu’il a une écriture agréable à lire, construit bien ses phrases, fait preuve d’une certaine culture (il parle de la Hollande) et se laisse même aller à quelques expérimentations …

Ensuite, ce genre de relations  n’est présent que sur cette paroisse. Or, lorsqu’on parle de froid intense, de tempête, de canicule ou encore de tremblement de terre, on peine à imaginer que cela ait été circonscrit à la paroisse de notre curé( il dit d’ailleurs que le tremblement de terre a concerné selon lui toute la province). C’est dommage de ne pas retrouver ces phénomènes ailleurs, il aurait été intéressant de croiser les témoignages.

Par ailleurs, ce qu’il décrit concerne des phénomènes naturels et climatiques. Mon interprétation est qu’à cette époque, les gens connaissaient bien la nature mais pas forcément la façon dont cela fonctionnait « scientifiquement ». Aussi, tout événement extra-ordinaire devait vraiment marquer les esprits.

Pourtant, par symétrie, on peut se dire alors que de tels événements, même s’ils n’étaient pas consignés, devaient se produire fréquemment et servir de repère temporel pour nos ancêtres. De même qu’aujourd’hui, tout le monde parle de la « tempête de 99 »  (moi le premier), il nous arrive de fixer des événements familiaux par rapport à cette date.
Alors qu’aujourd’hui nous savons écrire, lire et compter et que les ordinateurs et autres machines nous permettent de connaître les dates de manière extrêmement précise, on imagine que nos ancêtres qui n’avaient pas ces connaissances, utilisaient ces repères pour marquer un événement comme une naissance ou un mariage. C’est peut-être ce qui pourrait expliquer certaines approximations d’âges : cela serait peut-être dû non pas à une méconnaissance des dates, mais bien à une notation relative à des événements importants.

La lecture de ces registres permet donc de se détendre un peu et surtout de vivre quelques instants de vie de nos ancêtres, comme si on y était !

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Pour aller plus loin :

           

mardi 19 novembre 2013

18 août 1915 – « Pertes élevées … »


Le 18 août 1915, mon grand-oncle Maurice Albert Debuire décédait dans la région de Montdidier dans la Somme.
Il est très difficile de connaître les circonstances exactes de sa mort, même si la notice rendant compte du jugement lui « offrant » à titre posthume le statut de « Mort pour la France » donne un premier indice : il est mort tué à l’ennemi. Cela ne veut pas dire grand-chose, mais c’est une première piste.

Je me souviens par ailleurs de mes cours d’histoire où nous expliquait qu’après la célèbre bataille de la Marne où l’avancée des troupes allemandes fut stoppée nette, la guerre s’est muée en une guerre de tranchées. Je me souviens également qu’on nous apprenait que des ordres étaient donnés par l’Etat-major de lancer des attaques depuis sa tranchée pour prendre la tranchée ennemie, que ces attaques donnaient lieu à de véritables boucheries et qu’une fois la tranchée ennemie prise, il y avait généralement un repli …

Ca c’est ce qu’on apprend  à l’école, mais quid de la réalité de tous les jours pour ces jeunes soldats ?

Intoxiqués ! Source Histoire en Questions


C’est là qu’interviennent les journaux de guerre écrits par les officiers, dans lesquels sont relatés, jour après jour, avec plus ou moins de détails, les mouvements de leur bataillons ou de leur compagnie. Certains officiers, dont on sent une véritable proximité avec leurs hommes, consignaient également, chaque jour, les pertes dans leurs rangs, en indiquant les noms, les grades et le destin de ces hommes. Cela permet de quitter la statistique et les millions pour en arriver au concret et aux hommes.

Le site Mémoire des Hommes a mis en ligne tous ces journaux, et pour peu qu’on connaisse le régiment ou l’affectation de la personne dont on cherche des informations, on peut trouver beaucoup de choses intéressantes.

Voici donc la relation de ce qui s’est passé un certain 18 août 1915 à Montdidier, dans la 21ème Compagnie du 248ème Régiment d’Infanterie où était affecté Maurice Albert Debuire comme soldat de 2ème Classe.
   
« Le 18, la 21ème Compagnie de droite du Bataillon Ballay se trouve en liaison avec le 401ème. Ce Régiment a comme mission de flanc-garder une attaque de Chasseurs de la Division sur Beuvraignes.

Au petit jour, la 21ème Compagnie attaque de concert avec la 2ème Compagnie du 401ème, attaque très dure, comme la veille, pertes élevées.

Deux sections de la 21ème Compagnie parviennent néanmoins à la tranchée ennemie et s’y maintiennent toute la journée en liaison avec le 401. Le reste du Bataillon disposé en échelon refusé, assure la liaison avec le Régiment de gauche.

De l’ancienne première ligne française nos troupes appuient de tout leur pouvoir l’effort de nos camarades de droite.

Nos corvées leur portent des grenades, nos sections de mitrailleuses largement alimentées par leur échelon fournissent des munitions aux mitrailleuses du 401ème et exécutent toute la journée des feux efficaces de neutralisation.

En fin de journée une contre-attaque sur la gauche du 401ème est ainsi brisée net par les feux de nos sections de mitrailleuses.

Les deux sections de la 21ème Compagnie qui combattent depuis le matin pour appuyer l’action du 401 font une trentaine de prisonniers et prennent 12 mitrailleuses.
Leur évacuation se fait par le 401ème (témoignage du Capitaine Nonancourt, Commandant le Bataillon du 401ème).

L’ordre donné par le Lieutenant Colonel commandant le 248ème dès qu’il est arrivé de ce mouvement de repli, de renforcer par une Compagnie les sections amoindries de la 21ème Compagnie ne parvient qu’après l’abandon par le 401 de la première ligne allemande.

Les boches qui ont constaté très rapidement ce mouvement de repli pressent de plus en plus les éléments du 248 qui restent seuls et, menacés d’encerclement, sont contraints d’abandonner la première ligne allemande.

Une tentative faite par une Compagnie du Bataillon Bouzou vers deux heures du matin pour reprendre pied dans la première ligne allemande est arrêtée net par un violent tir de mitrailleuses. »
La relation de la journée se termine par un tableau donnant la liste nominative des pertes françaises. On note :
-          8 tués
-          21 blessés
-          2 intoxiqués
Parmi les tués, Maurice Albert Debuire.

Le journal illustre parfaitement deux aspects de la guerre.

Tout d’abord, ces mouvements de va-et-vient permanent entre lignes françaises et allemandes. Quand on regarde le bilan en fin de journée, on constate quoi ? Que les positions étaient revenues à celles de la veille. Dans l’écart, il y aura eu 8 morts et sans doute davantage car il faudrait suivre les destins des 21 blessés … Il serait d’ailleurs intéressant (note à moi-même …) de regarder d’où proviennent les 8 tués de la journée, car les régiments étaient généralement constitués de personnes provenant d’une même région. Peut-être se connaissaient-ils avant la guerre ?

Ensuite, et mon arrière-grand-père maternel en a été victime, les intoxications au gaz moutarde. L’armée allemande avait innovée dans cette guerre en utilisant pour la première fois des armes que nous qualifierions aujourd’hui de chimiques. L’envoi par ces troupes de gaz permettait d’éliminer un grand nombre d’hommes sans avoir à les affronter directement.

Quant à la façon dont Maurice Albert Debuire est mort, il y a, au vu de cette relation, deux hypothèses :
  • soit il est mort en chargeant la ligne allemande au petit jour
  • soit il est mort pendant le repli en fin de journée.
Dans tous les cas, il semble qu’il soit bien mort dans l’action. Il n’a sans doute pas réalisé qu’il venait d’être touché. C’est tout ce qu’on peut espérer. Toujours est-il qu’il est mort le lendemain de ses 21 ans, à l’âge où on est supposé fleureter dans les bals après les moissons …

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Pour aller plus loin :

           

mardi 12 novembre 2013

1914-1918 – Mémoire de mes hommes !


Hier on fêtait l’anniversaire de l’armistice qui mettait officiellement fin à la première guerre mondiale qui avait débuté 4 années plus tôt. Pendant ces 4 années, la France a changé profondément. Négativement car toute une classe d’âge a  disparu dans les tranchées boueuses du nord du pays, mais positivement car les femmes ont pu montrer qu’elles pouvaient tout aussi bien travailler que leur frères ou maris, et positivement encore car le français s’est enfin imposé partout sur le territoire, à force d’avoir vu se mêler des citoyens venus des 6 coins de l’hexagone !

14-18 c'était ça ... Vivre 4 ans dans la boue ...


Cependant, il ne faut pas oublier ces hommes qui se sont battus, pas nécessairement par idéal, mais par devoir envers la patrie.

Mes enfants ont 8 arrières-arrières-grands-pères qui ont vécu à cette période, et en replongeant dans mes archives, j’ai pu relever quelques informations intéressantes, que je tenais à partager, suivant en cela le thème du mois proposé par Sophie Boudarel.

Qui sont-ils ?

En les « triant » par sosas croissants, nous avons :

  • Pierre Joseph Sabot, 50 ans en 1914, marié à Marie Julie Fogeron et déjà père de 8 enfants (dont 6 sont encore vivants à cette date)
  • Henri Debuire, 52 ans en 1914, marié à Alice Victorine Ménerat et déjà père de 9 enfants (dont 6 sont encore vivants à cette date)
  • Juvénal Georges Jules Jacquesson, 30 ans en 1914, marié à Jeanne Françoise Jousserandot et déjà père de 3 enfants à cette date, tous vivants
  • Pierre Ernest Vautier, 22 ans en 1914, encore célibataire, mais fiancé à Marie Eugénie Mathilde Girault
  • Pierre Fargeas, 49 ans en 1914, marié à Elisabeth Autier et déjà père de 5 enfants, tous vivants
  • « Inconnu » Marsal, dont je ne sais pour le moment pas grand-chose, si ce n’est qu’il est sans doute déjà marié à cette date à Emilie Dulsou et qu’il a au moins un enfant
  • Pierre Louis Chaume, 33 ans en 1914, marié à Noëlie Chancel et père de 2 enfants, tous vivants
  • François Dalbert Chauvit, 28 ans en 1914, marié à Marie Hélénie Lascaud et père d’un enfant, vivant au début de la guerre

Juvénal Georges Jules Jacquesson qui a pu échapper à la guerre du fait de son âge



On note déjà une grande disparité puisque le plus jeune des trisaïeux n’a que 22 en 1914 alors que le plus âgé en a 52 et a déjà une famille largement constituée.

Par ailleurs, à part Pierre Ernest Vautier, ils sont tous mariés avec des enfants. Ce point est très important quand on pense à ce que peut être le déchirement de voir le père partir pour la guerre. Les seules références pour ces personnes étaient les guerres napoléoniennes et la défaite de Sedan en 1870. En d’autres termes : un carnage où les moins gradés étaient de la chair à canon. En un mot, des adieux qui durent être déchirants …

Les survivants

Sur les 8 trisaïeux de la guerre, 7 survivront à la boucherie, le seul mourant pour la patrie étant François Dalbert Chauvit qui mourra le 29 octobre 1915 des suites de ses blessures à Moreuil, dans un hôpital de campagne (voir l’article à ce sujet). Il avait quand même passé plus d’une année à se battre et apprendra sur le front la mort de son père et celle de son fils aîné, et, accessoirement, la naissance de sa fille qui, si on calcule rapidement, aura été conçue avant que la guerre n’éclate …

Mais il y a survivant et survivant.

En effet, si sur les 7 survivants, 6 le sont car ils n’ont tout simplement pas combattu, Pierre Ernest Vautier a le triste privilège d’avoir passé 4 années à se battre, à avoir été gazé et à revenir de temps à autres en arrière, temps qu’il a consacrés à se marier et à faire deux enfants, le troisième étant né en 1920.
Sur les photos que j’ai de lui, on voit que ces 4 années l’ont marquées et, je relisais il y a peu un texte qu’il avait rédigé en 1921 à l’occasion de la distribution des prix du collège dont il était le professeur de lettres et de grammaire. Il s’agit d’une « fête », et pourtant, ce discours dactylographié est d’une dureté terrible.

Pierre Ernest Vautier, un visage marqué par la guerre


En voici quelques extraits :

« (…) C’est donc avec confiance que je dirai à vos fils ce que tous nous pensions hier dans le fond de nos tranchées ou dans la pénombre de nos sapes (…) ».

« (…) Souvenons-nous donc de l’ennemi d’hier. Pensons à la conduite de l’armée allemande en campagne, et surtout aux ordres émanant de ses Etats-Majors. Là nous trouvons de quoi nous édifier pendant de trop longues années sur les résultats de la haine scientifiquement organisée. (…) »

« (…) Peut-être, dans quelques années lorsque vous incombera la responsabilité des destinées de la Nation, l’Allemand reviendra-t-il, refait, réorganisé, avec une puissance toute nouvelle, d’autant plus à craindre que sa haine aura été plus secrète et sa défaite plus grande. (…) »


Et il y a plusieurs pages sur ce ton. Première remarque, j’imagine que pendant ce discours, il ne devait pas y avoir un bruit. Seconde remarque, je suis surpris par la prescience de mon arrière-grand-père ! En tout cas, on peut dire que même survivant physiquement, le traumatisme psychologique durera et ne laissera personne indemne. Troisième remarque, ce discours devait être très parlant puisque certains enfants présents devaient avoir perdu leur père pendant la guerre …

La souffrance des familles

Un autre cas est celui des familles qui ont payées un lourd tribut à la guerre. C’est ainsi le cas de Henri Debuire qui, trop vieux pour combattre, perdra quand même deux fils à la guerre.

Léon Edgar Debuire, né le 22 mai 1892 à Vez dans l’Oise, qui étant de la classe 1912 servira la France comme soldat 2ème Classe dans le 9ème Régiment de Dragons. Il sera tué à l’ennemi le 29 septembre 1915 à Souan dans la Marne. Il avait 23 ans.

Maurice Albert Debuire son frère, né le 17 août 1897 à Vez, qui sera de la classe 1917. Il aura donc parfaitement connaissance de l’horreur du front par les récits de son frère et vivra sa mort. Malgré tout, il servira la France comme soldat de 2ème Classe dans le 248ème Régiment d’Infanterie et sera tué à l’ennemi à Montdidier dans la Somme le lendemain de ses 21 ans, le 18 août 1918 …

Ainsi, Henri Debuire ne se sera pas battu, mais étant dans l’Oise il sera aux premières loges et surtout il perdra deux fils dans cette guerre. Pour la petite histoire, son épouse, la mère de ses enfants est l’arrière-petite-fille de Joseph Menrad, soldat allemand fait prisonnier par l’Armée de la République en 1797 … Ainsi, Léon Edgar et Maurice Albert se sont-ils battus contre leurs cousins …  

Je remercie d’ailleurs le site Mémoire des Hommes qui m’a non seulement inspiré le titre de ce billet, mais qui a fourni un travail remarquable sur la mémoire de ces hommes qui ont servi leur pays.

Les morts

Ce billet ne serait pas complet si je ne citais François Dalbert Chauvit, mort pour la France le 29 octobre 1915 à Moreuil dans la Somme, mort des suites de ses blessures reçues lors du bombardement de sa tranchée.

François Dalbert Chauvit, mort pour la France en 1915


Je ne vais pas revenir sur les détails que les lecteurs le souhaitant pourront trouver dans l’article que je lui avais consacré, mais je résumerais le drame de cette guerre en quelques lignes.

François Dalbert est né le 8 février 1886 à Saint-Amand-Montmoreau en Charente. Il est donc de la classe 1906. Il est donc incorporé au début de la guerre et parcourra tout le nord de la France avec son Régiment avant de tomber à Moreuil, dans la Somme.

Il décède donc à 29 ans, laissant derrière lui une petite fille de 9 mois et une veuve de 23 ans. Son fils aîné mourra brûlé dans un accident domestique et son père apprendra sa mort alors qu’il était lui-même en train de mourir sur son lit d’hôpital.

Hommage de la Nation à FD Chauvit


Ce destin tragique résume à lui seul les drames qu’ont connus nos ancêtres pendant cette guerre terrible et je suis heureux qu’il existe encore des voix pour leur rendre hommage. Je finirai ce billet en citant une fois de plus mon arrière-grand-père dans son discours de 1921 :

« Pénétrez-vous donc, mes chers Amis, de ces pénibles souvenirs. Que pour vous ce passé soit toujours un présent. Et lorsque vous aurez concentré toute votre attention sur ce thème funèbre, vous comprendrez que tout n’est pas fini. La première partie du drame seule est terminée. La seconde sera ce que vous la ferez : ou bien vous vous monterez dignes de vos aînés, et votre gloire continuera la leur ; ou bien vous oublierez et tout sera à recommencer. »



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Pour aller plus loin :